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blog different
29 juin 2010

Petits malentendus entre amis

C'est une dé-confiture amoureuse que j'ai envie de relater ici. Tiens, il me vient à l'esprit que je n'ai jamais tenté d'expliciter ce sous-titre de blog. En fait, l'amour ressemble beaucoup dans mon esprit à une confiture: sucré, aux couleurs chatoyantes, attirant, mais on se retrouve rapidement englué dedans comme une mouche.

Outre l'intégralité de ma classe de maternelle, j'ai récemment retrouvé sur Facebook un ami de lycée. A l'époque, c'était un peu le beau surfeur en version brun, avec de sublimes yeux bleus. Grand, svelte, musclé, on le distinguait assez facilement dans les couloirs. Mais la comparaison avec le surfeur s'arrêtait là. Il était intelligent, très réservé et, curieusement, pas du tout porté sur la gent féminine. En dépit d'une hétérosexualité patente, à l'heure où tous les ados pubères ont des pensées impures, je n'ai jamais vu B. draguer, ni embrasser, ni tenir une main. En réalité, je ne l'ai jamais vu avec une femme. 

Il a quitté le lycée, mais nous sommes restés en contact. Il vivait chez son père, la profession duquel me faisait rêver: il était prof à Stanford et faisait des allers-retours France/USA. Alors, B. et moi passions souvent des heures au téléphone. Parfois nous allions à des soirées ensemble. Toutefois, il n'y a jamais eu de drague entre nous. J'aurais sans doute bien aimé à l'époque même si, avec les années, j'avoue ne plus trop bien me souvenir de ce que je pensais en ces temps-là. En tous les cas, je n'étais pas amoureuse de lui. Nous nous sommes lentement perdus de vue pendant que nous faisions notre khâgne, moi littéraire, et lui avec option HEC, simplement parce qu'on était débordés chacun de notre côté. 

L'une des dernières fois que nous nous sommes vus, c'était le soir de mes 19 ans. Je me souviens qu'il m'avait confié qu'il envisageait une carrière monastique. Ce qui avait jeté un éclairage soudain sur son manque de penchant manifeste pour la drague. Plus que la religion elle-même, dont il n'avait jamais fait étalage, je crois que c'était l'ascèse et le repli du monde qui l'attiraient alors. 

Lorsque je l'ai retrouvé sur Facebook il y a un mois, il était ravi et m'a d'emblée proposé de dîner ensemble. J'étais agréablement surprise. Dans l'intervalle, il avait abandonné ses aspirations monastiques pour servir le dieu Capital et était devenu responsable d'un département dans un groupe prestigieux. 

Je lui ai donné rendez-vous dans un petit restau bobo du Marais, restau que j'affectionne pour sa très bonne cuisine, ses prix modiques, sa chouette ambiance et le fait qu'on y croise périodiquement des stars américaines (un soir, j'ai dîné à côté du beau Jake Gyllenhaal et de sa fiancée Reese Witherspoon, escortés d'Alain Chabat). 

Je suis arrivée la première, me suis assise au bar en l'attendant. Son arrivée m'a fait l'effet d'une bourrasque de vent, m'a psychologiquement décoiffée. Il avait beaucoup changé, et en même temps, c'était vraiment bien lui. Il avait perdu son visage de beau gosse mais avait gagné en échange un beau visage d'homme: un visage franc, qui inspire confiance. Quelque chose de viril émanait de lui. Il est arrivé avec une cravate d'un rouge flamboyant et je me suis dit que tout l'homme qu'il était devenu dégageait une certaine flamboyance: il avait gagné en confiance en lui sans paraître arrogant pour autant; en fait, ce qui émanait de lui, c'étaient ses certitudes, celle d'être bien dans sa peau, d'être là où il devait être à ce moment de sa vie. Et cela m'a paru incroyablement sexy. J'avais un Homme en face de moi. L'âge n'a rien à voir là-dedans: c'est un mélange de solidité et de certitude que bien des hommes plus âgés n'irradient pas. Non, ce soir-là, j'ai vraiment dîné avec un Homme. 

Et ce soir-là, je me suis dit, c'est vraiment cela que je désire: ce que tu irradies, B, c'est ce que je veux dans ma vie. Tout ce qu'il incarnait me faisait envie. 

Le dîner s'est déroulé très agréablement. Il se souvenait bien mieux que moi de nos soirées, de nos conversations. Il avait rencontré mon père et, détail qui m'a émue, m'a relaté une conversation qu'il avait eue avec lui. Les occasions d'évoquer mon père sont devenues si rares. Je me suis dit qu'un homme qui me faisait une telle impression, en qui j'avais cette totale confiance que notre amitié passée nous avait forgée, et qui en plus avait rencontré mon père, cela ne devait pas être très loin de l'homme parfait.

A un détail près, et pas des moindres. De toute ma vie, c'est la soirée la moins sexuée que j'aie passée avec un homme. Certes, avec le stress de l'agrégation, j'ai pris quelques kilos (que je m'apprête à perdre cet été!), mais je m'étais bien habillée, joliment maquillée, et j'affichais un décolleté vertigineux. En général, même les hommes à qui je ne plais pas jettent quand même un regard en direction de mon décolleté. Lui, rien. C'était comme si j'étais transparente. Comme si son regard ne me prenait pas en compte matériellement. J'ai passé des tas de soirées avec des hommes avec qui il était clair que rien ne se passerait entre nous, pour autant, la tension millénaire entre les sexes était toujours présente et j'était parfaitement prise en compte comme femme dans les échanges de la soirée. Lui, il m'a regardée comme si j'étais le pote avec qui il partagerait une bière devant le football. Jamais un homme ne m'avait fait ressentir cela, et c'était tout sauf plaisant. 

Pour autant, il était manifestement très heureux de me voir, m'a serrée dans ses bras en arrivant, a tenu à m'inviter, m'a redit en me quittant le plaisir qu'il avait eu à renouer avec moi. Au cours du dîner, il s'est confié très ouvertement (voire même impudiquement, puisqu'il a même mentionné sa sexualité - ce qui m'a beaucoup surprise et un peu gênée). Il a été marié neuf ans, a un petit garçon de 4 ans, et s'est fait plaquer abominablement par sa femme qui est partie avec un autre il y a quatre ans. Cela a manifestement constitué une période atroce pour lui, il m'a dit qu'il était très amoureux et qu'il avait beaucoup souffert. Près de trois ans de célibat pour digérer et il vient de rencontrer il y a trois mois une fille qu'il pense aimer (superbe timing, BD, n'est-ce pas!). Il est en plein divorce, du genre bien saignant, et semble toujours pâtir de la situation avec son ex envers laquelle il exprime beaucoup de rancoeur. Bref, comme les Anglais disent, il a du bagage émotionnel. A plusieurs reprises, lorsqu'il trahissait une émotion difficile en relatant les années que nous avions manquées de la vie l'un de l'autre, l'échec de son mariage, la perte de ses amis et les difficultés de son divorce, j'ai eu un geste affectueux: je lui ai brièvement caressé l'épaule et le bras. Mais ces gestes sont semble-t-il passés à la trappe de sa perception: rien dans sa contenance n'a trahi le fait qu'il avait capté mon empathie, son regard n'a pas croisé le mien, il n'a pas souri, il n'y a pas eu de connivence, RIEN. J'aurais obtenu le même effet en voulant consoler un marbre au Louvre.

Ces retrouvailles ont ainsi contribué à mon blues des dernières semaines (qui est totalement passé, d'ailleurs, je le précise, grâce à une perspective radieuse et d'ordre non sentimental que j'évoquerai plus tard). Je suis sortie de ce rendez-vous avec un sentiment mélangé d'humiliation de m'être sentie aussi niée physiquement, comme s'il avait anéanti ma féminité, et de colère envers cette ironie de la vie: à quoi bon agiter sous mes yeux le genre d'homme qui me fait rêver si c'est pour me souligner à quel point je suis transparente pour lui??? Je me serais bien passée de cela.

A l'issue de cette soirée, j'ai décidé que je ne prendrais pas la moindre initiative pour le recontacter. Et l'on pourrait s'imaginer que l'histoire s'arrête là. Que nenni.

Il y a une dizaine de jours, j'ai reçu le texto suivant de sa part à minuit: "Tu te rappelles le Pont des Arts à 5h du matin pour le lever du soleil? J'y suis. Où es-tu?"

En vérité, je ne me souvenais plus du tout du Pont des Arts, mais ce message pour le moins ambigu (ne serait-ce que par l'horaire auquel il m'avait été envoyé) m'a brusquement rafraîchi la mémoire. Nous avions 19 ans, il avait été mon cavalier à la soirée d'une amie. Nous avions manqué le dernier métro et traversé Paris à pied une bonne partie de la nuit, comme j'avais coutume alors de le faire pour épargner les taxis à mes finances limitées à l'argent de poche. Vers 5h du matin, nous avions atteint le Pont des Arts et regardé le soleil se lever. Je crois me souvenir que ce moment avait constitué le plus ambigu de notre non-relation. Mais il me semble qu'on ne s'était même pas pris la main. Visiblement, le souvenir l'a plus marqué que moi. Drôle de message. J'y ai répondu de manière mesurée en disant que j'étais déjà couchée mais que je me souvenais. J'ai conclu en lançant un petit hameçon: "rendez-vous à fixer bientôt sur le pont de la mémoire?"

Evidemment, ça n'a pas mordu. Il n'a jamais répondu. Yannou, avec qui j'ai évoqué la situation, m'a dit: "Si ça se trouve, il s'est disputé avec sa copine, puis il s'est ravisé. Tu verras, tu auras de ses nouvelles dans une semaine." Eh bien, pile dans le mille, Yannou. J'ai reçu un texto il y a deux jours m'invitant à "une soirée avec d'autres amis" chez lui le 11 juillet. A laquelle j'aurai sans nul doute le déplaisir de découvrir sa nouvelle copine, mais qui, avec un peu de chance, ne comportera pas que des hommes en couple...  

[Mode chasseresse: /ON]

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Commentaires
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Dans mon esprit de garçon, l’amour ressemble à un grand jardin sans clôture : grands espaces, végétation luxuriante, des lieux imprévus et cachés, humide. Envoutant mais on se retrouve souvent perdu comme un blanc en forêt tropicale.
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