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blog different
2 mars 2010

Wild Wild West

Quelques nouvelles enfin. J'avoue que je n'ai vraiment pas eu la tête à écrire ces temps-ci. D'abord parce que pour moi l'écriture est assez antinomique de la vie et que je vis tellement à cent à l'heure en ce moment que je n'ai guère de pauses pour souffler, réfléchir, me distancier de cette réalité qui me dévore tout entière.

Comment résumer les trois derniers mois? J'ai eu des semaines infernales, levée entre 5 et 6 heure du matin, jamais rentrée avant 19h ou 20h, voire pire, et j'ai travaillé tous les week-ends. Bref, c'était un peu Une saison en Enfer. La banlieue et ses RER et trains n'ont plus de secret pour moi, et mon karma m'a fait manger la phrase prononcée innocemment il y a quelques années ("je déteste aller en banlieue") à toutes les sauces.

L'Education Nationale a cette charmante et insouciante habitude de multiplier vos trajets à l'infini et, plus vous êtes loin de votre domicile, mieux c'est pour la jouissance personnelle de la DGE ou de l'Inspecteur académique en charge de votre dossier selon les affectations. Le département 95 est comme un immense béret plat posé sur Paris, dont les extrémités peuvent vous emmener vraiment très loin de Paris. Et, ces derniers temps, j'étais au nord du 95 le lundi, à l'est le mardi et le mercredi, au nord de nouveau le jeudi, et au centre le vendredi, dans un établissement où la première cloche sonnait à 7h45 et que je devais donc me lever à 5h30 pour rejoindre (l'Académie de Versailles dans laquelle je suis affectée cette année englobe les départements 78, 91, 92 et 95; l'Académie de Créteil englobe, elle, le 93, 94 et le monumental 77). 

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Je dois dire que l'établissement du centre du 95, un collège classé ZEP, Ambition réussite (traduction: grosse galère), et Plan de Prévention Violence était officiellement dénombré comme l'un des 10 pires de la région. C'est en ce lieu charmant que j'ai été affectée pour mon "Stage de Pratique Accompagnée" (= observation + enseignement). J'y ai enseigné jusqu'à 3 jours par semaine en janvier-février, en remplacement de mes journées de formation à l'IUFM, à une classe de 6ème et une classe de 3ème. Les 3èmes ont gagné toute ma sympathie. Les 6èmes, eux, m'ont terrifiée. Etant donné les classifications intimidantes de l'établissement, les effectifs étaient réduits: 20-24 élèves. Et sur cette vingtaine, une poignée me donnait la nausée dès que je les voyais. Je n'ai pas envie de décrire ici ce dont j'ai été témoin, en terme de violence verbale dépassant tout ce que je pouvais imaginer, en termes de sexualité précoce et monstrueuse, mais disons juste que cette poignée d'élèves réussit à exprimer toute la dégénérescence de l'être humain dès l'âge de 11-12 ans. Je sortais de là avec le sentiment que j'étais salie rien qu'en étant à leur contact (je ne suis pas restée assez longtemps pour qu'ils aient le loisir de me manquer de respect).

Personne n'imagine que ce genre de chose existe, et je ne souhaite à personne de découvrir ces lieux de perdition. Alors que dans un établissement bourgeois, tel celui magnifique dans lequel j'ai effectué un stage d'observation génial en novembre dans le 92, il suffit d'un rien pour être exclu définitivement, dans ce collège, les enfants peuvent aller très très loin et ne récolter que quelques journées d'exclusion. Pourquoi? Tout simplement parce que l'Education Nationale a le devoir de scolariser tous les enfants et que lorsque l'on atteint le fond du gouffre que ce collège représente, il n'y a pas d'autre endroit où scolariser des enfants de ce genre, à moins de se les échanger entre pires collèges de la zone, ce qui arrive lorsque le pire du pire est atteint (exemple: un élève qui viole ses camarades de classe). 

Que faire lorsque vos revenus financiers modestes vous ont poussé vers une banlieue dite "sensible" où les loyers sont plus abordables et que vous vous retrouvez à devoir scolariser votre enfant sur place en raison de la carte scolaire? La seule réponse: prendre vos jambes à votre cou, déménager au plus vite. Ne croyez pas que votre enfant sera sauvé de l'horreur dans un établissement bourgeois car eux aussi sont progressivement touchés par des comportements de plus en plus atroces des élèves, mais au moins les choses seront gérées différemment.

Je n'ai pas évoqué cela à l'époque, mais lorsque j'étais partie travailler à Genève pendant deux mois, un scandale monumental avait éclaté dans tout le canton et fait la une des journaux pendant plusieurs semaines: il s'agissait de viols généralisés et de fellations forcées commis par des jeunes de 11-13 ans sur des petits de 5 à 9 ans dans les recoins des cours de récréation. Et à Genève, les coupables étaient fils de banquiers, de puissants hommes d'affaires et de diplomates... Autant dire que le scandale avait profondément choqué l'opinion publique. Comment imaginer que des petits bouts de choux aux joues rebondies soient capables, à l'heure des marelles et des sacs de billes, d'horreurs dignes d'une cour pénale et de la prison à vie?

Tout cela pour dire qu'avec le recul de l'abomination, je peux me dire que j'ai du bol avec mes simples crocodiles...

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Commentaires
T
Bonjour chère collègue!<br /> Je découvre ton blog que je trouve absolument génial. Ton expérience fait beaucoup écho à la mienne car je suis prof (titularisée) en lycée ZEP. Comme toi, je suis souvent choquée par mes élèves, même si ma ZEP est plutôt cool (le pire étant le collège)...<br /> Bon courage pour la suite!
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