Viens chez moi, j'habite chez Harry Potter
Dans le film Quatre mariages et un enterrement, l'un des personnages affirme empiriquement que l'on rencontre toujours son futur mari à un mariage.
Moi j'ai rencontré le clone blond de Hugh Grant.
La noce se déroulait dans un vieux village isolé et pittoresque à quelques kilomètres de Northampton. Il revenait de vacances avec une mine de surfeur australien, c'était le témoin du marié. Le mariage était celui d'une copine de pensionnat anglais qui était ma meilleure amie quand j'avais dix ans et avec qui, à ce stade, je n'avais plus le moindre atome crochu. Autant dire que j'ai rapidement choisi mon camp entre l'enterrement de vie de jeune fille entre quatre yeux mornes dans le salon familial et la soirée entre hommes au pub d'à-côté pour l'enterrement de vie de garçon. Ce qui, au passage, m'a valu la haine éternelle de la mariée. Pas grave, j'y ai gagné un fringant boyfriend qui m'a fait du pied sous la table pendant tout le reste des festivités. Et la complicité amicale de tout le côté masculin de la famille avec qui j'ai enchaîné pintes et parties de billard.
Et puis, retour à Paris. A ce jour, huit ans ont passé, et nous sommes toujours amis. Il me téléphone régulièrement. Parfois c'est silence radio pendant six mois, puis il recommence à m'appeler. Au fil des ans, pendant nos périodes de célibat, nous avons fait deux ou trois stages de refamiliarisation horizontale, à Paris ou à Londres. Et je dois dire, avec toute l'amitié que j'ai pour lui, c'est toujours aussi nul. [Ce qui accrédite grandement ma théorie personnelle que ce sont les hommes qui ne paient pas de mine qui sont les meilleurs coups: ils ont plus d'efforts à faire pour séduire...]
Son entêtement est un complet mystère à mes yeux. A chaque fois que nous nous parlons ou presque, il me demande avec des sous-entendus plein la voix quand allons-nous nous revoir. Et je précise avec certitude qu'il n'est pas amoureux de moi. Alors quoi?
Ces derniers temps, nous sommes dans une période de pic conversationnel. Il m'appelle au moins deux fois par semaine.
Il a récemment acheté une maison neuve, plus grande que la précédente, à quelques dizaines de kilomètres de Londres, à Watford. Il aimerait bien que je vienne lui rendre visite. Pour changer de sujet, je lui demande de me décrire sa maison.
Lui: Tu as le 3ème dvd d'Harry Potter, Le Prisonnier d'Azkaban?
Moi: Oui.
Lui: Mets-le dans le lecteur et vas au début du chapitre 3, au moment où Harry Potter s'enfuit de chez lui après avoir fait enfler et s'envoler sa tante par la fenêtre comme une grosse baudruche.
Moi: J'y suis là, il sort en tirant sa grosse malle.
Lui: La rue à droite dont on voit l'embouchure, c'est ma rue.
Moi: Ah, c'est drôle.
Lui: Tu vois le panneau lumineux devant lequel il passe, je le vois depuis ma fenêtre, il est dans ma rue.
Lui: Et là, tu vois les balançoires, ils ont rajouté ça pour le film, ça n'y était pas.
[Le bus double-decker fantôme arrive pour ramasser Harry Potter. Au moment précis où le bus repart...] Fais pause, fais pause!
[Une maison assez imposante apparaît sur la droite dans le sillage du bus, je pause le film.]
Lui: Regarde, c'est ma maison. Et là, c'est la grille du parking. Tu ne vois pas le reste, mais à droite il y a trois autres maisons, auxquelles on accède par ce portail commun. Ma maison était celle qui servait de maison témoin lorsque je l'ai achetée. Et c'est là que logeait l'équipe du film.
Moi: [mode fan émoustillée: /on] Incroyaaaaable, ils étaient chez toi? [mode fan émoustillée: /off]
Lui: Oui, d'ailleurs, ils ont laissé des traces de peinture rouge sur le sol de la cuisine, je n'ai jamais réussi à les enlever.
Moi: Tu as une cuisine collector!
Lui: (riant) Oui. Tu vois la fenêtre du premier étage? Tu es en train de la regarder?
Moi: Oui, je vois, celle qui est allumée.
Lui: C'est la fenêtre de ma chambre. [Moment de silence]. Et là, je regarde par la fenêtre. C'est comme si nous étions face à face... c'est comme si je te regardais.
Mmmmm, c'est bon la confiture amoureuse...