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blog different
19 octobre 2010

To Mr Noi with Love

Ile de Koh Lanta, Thaïlande - 16 août 2010

Le plaisir secret du voyageur solitaire, ce sont les rencontres. Mr Noi travaille à l'Hôtel Picasso et sa soeur tient le restaurant juste devant, le Thai Orchid, qui est l'un des meilleurs du nord de l'île de Koh Lanta (par ailleurs totalement non remarquable et sur laquelle je vous conseille vivement de ne pas vous arrêter - je peux vous dire que l'émission de télé n'a certainement jamais été filmée là-bas. Les courants marins sont dangereux et empêchent toute baignade, c'est une grosse île industrialisée sans le moindre gramme de charme. L'émission a selon toute vraissemblance été filmée sur les îlots environnants qui appartiennent à une réserve naturelle).

Pour faire patienter les clientsle temps que leurs plats soient préparés, Mr Noi exhibe fièrement ses albums photos. Parmi les trois albums que feuilletaient les clients de la table voisine, j'en distingue d'emblée un: petit format rectangulaire, pages de Canson noir, légendes rédigées au feutre argenté. C'était le type d'album communément commercialisé en Europe et celui-ci semblait avoir fait l'objet d'un soin particulier dans son remplissage. Lorsqu'il parvint enfin entre mes mains, je le feuilletai avec ravissement. Il commençait ainsi:

"Dear Mr Noi, we hope you haven't forgotten your Swedish friends."

Eux, visiblement, n'avaient pas oublié leur ami de Koh Lanta. L'album débutait par des photos prises lors de leurs vacances sur l'île, l'hiver 2008. Une photo de famille radieuse, prise sur la plage face aux vagues, ouvrait cette série: le père, la mère tenant dans ses bras le petit de 8 mois, et deux jeunes blondinets, âgés de 8 et 10 ans. Sur la suivante, Mr Noi embrassait tendrement le bébé qu'il portait dans ses bras. Puis, Mr Noi posant avec le frère cadet, qui s'était transformé en bonhomme de sable, la tête émergeant à peine d'une énorme boule de sable lui tenant lieu de corps, juste assez pour faire une grimace cocasse face à l'objectif. Puis, Mr Noi enseignant à l'aîné à manier des baguettes enflammées pour réaliser un spectacle pyrotechnique sur la plage. Enfin, une photo prise le dernier soir avant le départ: les enfants sur la plage avec Mr Noi allumant une grande lanterne montgolfière (à l'aide de la chaleur dégagée par les bougies, la lanterne de tissu s'élevait dans les airs), photo assortie d'un commentaire nostalgique.

A la page suivante, des photos de la famille à son retour en Suède: le frère aîné réalisant un show lumineux impressionnant grâce aux enseignements de Mr Noi. Le commentaire précisait avec fierté que ce spectable avait valu au garçonnet un article dans le journal local. Puis, tout à coup, c'était l'hiver suédois: la maison familiale ensevelie sous trois mètres de neige, l'aîné dans un igloo improvisé. Puis une photo du cadet, que la mère avait légendée ainsi: "X really doesn't like the long Swedish winter and would much prefer being in Koh Lanta. But this year and next year, we cannot come because we are building a new house." S'ensuivaient des photos des fondations de la future maison, idéalement située sur une minuscule île sur un grand lac. "This is our little paradise". Paysage nordique enchanteur.

Puis venaient deux photos du bébé à un d'écart: sur la première, poupon, jouant dans son bain avec une tortue en plastique sur la tête; sur la seconde, l'air sérieux dans les bras de son père, la tête emmitouflée dans une chapka. La mère avait écrit: "He is much bigger now, he likes to talk to everyone and discover everything".  L'album se terminait sur une promesse de retrouvailles à venir et sur des paroles affectueuses.

Au risque de briser la magie, j'ai demandé à Mr Noi s'ils étaient effectivement restés en contact. "Yes, we write each other nearly every day, and they have sent me all their Swedish friends here in Koh Lanta. They are arriving in three weeks". La magie avait perduré; un nouveau chapitre était sur le point de s'écrire.

Ce petit album photo m'a immensément émue. L'histoire d'une famille, une vraie, aimante et unie, et qui savait remercier du bonheur qui lui avait été offert en partage. Il se dégageait de ses pages un amour infini. Comme j'aimerais un jour connaître pareille sensation, créer pareille famille. L'une de mes amies d'enfance en Ecosse a eu quatre enfants, et ses cartes de Noël sur lesquelles ils figurent tous chaque année ressemblent à cet album. Quelle merveille que ce lien tissé entre l'Europe nordique et l'Asie. Trait d'union entre deux saisons que tout oppose, entre deux cultures, l'une de la neige, l'autre du sable fin, deux modes de vie si radicalement différents. Et la fierté dans les yeux de Mr Noi, comme si ces chères têtes blondes étaient sa chair et son sang.

Cet album continue de résonner en moi, ses images de défiler dans ma tête. Cette année, c'était un peu mon histoire aussi, moi qui étais partie de l'Europe nordique pour parvenir jusqu'aux îles thaï.

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Commentaires
C
Belle histoire. Elle me rappelle d'écrire au charmant jeune homme rencontré la veille de mon départ cet été, qui était sincèrement intéressé par la culture française. En espérant qu'il vienne nous voir à Paris !
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S
L'histoire remonte à 2006 et a déjà été évoquée ici : http://bit.ly/aoh6LK<br /> <br /> Reprenons : j'avais effectivement l'habitude de surfer sur les photos de parfaits inconnus, chose facile car la plupart des gens(moi y compris), ne prennent pas la peine de restreindre l'accès à leurs albums personnels mis en ligne.<br /> <br /> Le but était de voyager par procuration (je tapais "Australie", "Argentine", etc. dans les moteurs de recherche et je fantasmais sur un hypothétique futur voyage).<br /> <br /> Un jour, alors que je "me promenais" en Amérique Centrale, je suis tombé sur les jolies photos d'une non moins charmante américaine (bien qu'un peu jeune pour moi hélas....), prénommée Julia, qui avait effectué une mission humanitaire au Nicaragua par le biais de son lycée (désolé pour les approximations : j'écris de mémoire).<br /> <br /> Et c'est ainsi que je devins un fidèle abonné de sa page.<br /> Et en plus, je me suis cultivé !<br /> <br /> Par exemple, j'ai découvert l'existence du King's Park Psychiatric Hospital à travers ses superbes photos : http://bit.ly/cByxrh<br /> <br /> Et c'est par elle que j'ai entendu pour la première fois parler de Sufjan Stevens, artiste dont j'ai depuis acquis pratiquement toute la discographie.<br /> <br /> Enfin bref, toujours est-il que vers la fin 2006, alors qu'avec des amis, nous cherchions une idée de texte pour créer une chanson (en parfaits amateurs devrais-je préciser), le sujet s'est imposé à moi : Julia.<br /> Le résultat, qui vaut ce qu'il vaut, est certainement plus autobiographique que je ne voudrais l'admettre...<br /> <br /> A ma grande surprise, au lieu de me traiter de fou à la lecture du texte, mes amis ont été emballés par l'idée : "Génial ! On crée la chanson et on lui envoie !".<br /> <br /> Euh... Oui certes.... Mais je ne la connais pas cette fille !<br /> Pas grave, dirent-ils en choeurs, tu vas bien trouver un moyen !<br /> <br /> Finalement, (je vous la fais courte et vous dispense de toutes les péripéties), nous avons réussi via "the social network" à la contacter, à lui faire écouter la chanson et elle nous a répondu qu'elle aimait bien.<br /> Nous (c'est à dire surtout : Je) étions comblés et n'en désirions pas plus !<br /> <br /> L'histoire s'arrête là.<br /> Je ne l'ai jamais croisée, n'ai jamais cherché à le faire (même si j'aurais pu en avoir l'occasion il y a deux ans en passant par New York),je ne la rencontrerai certainement jamais, mais parfois, il m'arrive encore d'avoir une petite pensée pour elle.<br /> <br /> Bon ok j'avoue : je la suis sur Twitter, mais chut : c'est un secret !<br /> <br /> Pour les curieux : <br /> Sufjan Stevens : http://bit.ly/aoDVdS<br /> KPPC : http://bit.ly/TrVXu
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M
Juste un coucou! ça faisait un bail...en espérant que ta vie va bien...Marylene
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B
à Sparlate et à Julia. Il vous expliquera pourquoi.
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