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18 octobre 2010

Suomenlinna

Je suis partie le 10 août en vacances. Pour une fois, j'ai réussi l'exploit en prenant un vol pour l'Asie de ne pas rester coincée en transit à Dubaï ou Abu Dhabi dans un aéroport réfrigéré au maximum et où la seule activité possible est de lorgner sur les boutiques haute couture ouvertes 24h/24, emmitouflée jusqu'au nez dans une couverture chipée à bord. Sachez-le, si vous avez une escale longue dans l'un de ces deux aéroports, prévoyez de quoi vous couvrir pour supporter les quinze degrés ambiants censés vous faire oublier les cinquante degrés extérieurs. Vous parlez d'un choc thermique...

Oui, j'ai eu une journée entière d'escale à Helsinki, rien que du bonheur. La dernière fois que j'ai eu une escale aussi chouette, c'était avec Cathay Pacific qui m'avait permis en 1999 de m'arrêter deux jours entiers à Hong Kong sur le chemin de l'Australie. Moi qui chéris la découverte de nouveaux pays, je dois dire que cette opportunité m'a ravie. Cette petite dose magique d'imprévu qui tombait dans mon plan de vol, je m'y suis préparée avec délectation, dévorant tout ce que je pouvais trouver comme informations sur internet, me préparant un itinéraire, des lieux où manger, des curiosités à visiter. Helsinki a été l'apogée de mon voyage - dommage que cela soit arrivé le premier jour.

Qu'ai-je pensé de Finnair? Côté amabilité des stewarts, on repassera. Je n'en avais jamais vu d'aussi désagréables. Comparé à Emirates ou Etihad, les compagnies des Emirats - où le personnel navigant est très aimable - le catalogue des films était très limité, la nourriture moyenne et les commodités offertes (oreiller, couverture, etc.) moins bien. En revanche, une qualité appréciable: propreté impeccable et sièges de taille agréable (l'année dernière, j'avais fait un voyage détestable sur Etihad où les sièges étaient sales et cassés, l'avion n'avait pas été nettoyé, et lesdits sièges étaient si incroyablement minuscules que j'ai voyagé avec les coudes entre les dents pendant neuf heures, si vous voyez ce que je veux dire). 

Tout d'abord, émerveillement à l'atterrissage: un petit aéroport de rien du tout, logé en pleine forêt. J'aurais voulu être aussi calée en essences d'arbres que je le suis en fleurs pour vous dire de quoi il s'agissait: il n'y avait que trois essences d'arbres, gracieux et immenses, qui alternaient jusqu'à perte de vue. Une variété qui ressemblait à un immense sapin, et qui en était peut-être une, une autre variété au tronc rouge et une autre avec des feuilles argentées. L'office du tourisme de l'aéroport s'est montré aimable et compétent. Les transports desservent très bien l'aéroport, et en prenant une carte de transport journalière à 12 euros, j'avais de quoi prendre le bus de l'aéroport, les tramways de la ville et les bateaux qui circulent dans les fjords environnants, le tout en illimité. Le bonheur.

Les quarante-cinq minutes de route qui séparent l'aéroport de la ville d'Helsinki m'ont charmée. Le bus circulait dans des couloirs boisés au sein de la forêt, puis nous sommes parvenus à ce que je pourrais qualifier de banlieue dortoir (pas d'industries). C'étaient des gros chalets flambant neufs de 3 à 7 étages en brique peinte: rouge vif, ou jaune, ou vert mousse. Quelle gaieté! Ils formaient un beau contraste tranché avec le vert émeraude de la forêt. J'étais émerveillée. Quelle riche idée de donner cet aspect pimpant aux maisons pour combattre l'hiver et les nuits interminables!

Hélas, ça n'a pas duré. Nous sommes arrivés dans la banlieue de Helsinki et là, j'ai frémi. J'ai eu l'impression tout à coup de me retrouver à Zurich, qui doit objectivement être l'une des villes les plus laides du monde. Comment peut-on être assez stupide, vu le climat, pour faire des maisons grises et marron? Et puis, une architecture morne, sans visage. Rien d'historique en vue, que du 20ème siècle sans goût qui s'étalait à perte de vue.

J'ai tout d'abord pris le tramway circulaire, la ligne touristique n°3, qui circule dans la ville de manière assez complexe (j'ai dû m'y reprendre à deux fois avant de comprendre son fonctionnement - elle change de numéro en cours de route et revient sur ses pas). Cette visite de la ville m'a laissée de marbre, et si comme moi vous n'avez qu'un temps limité à passer sur place, je vous conseille franchement de ne pas perdre votre temps avec ça.

Ensuite, je suis allée sur le port, et là, c'était franchement agréable. Il y avait le marché, qui comprenait une section alimentaire, puis une section touristique. Dans la section alimentaire, des baies locales, des haricots en branche violets, et puis des baraques à saumon-oignons-patates-aneth, les mêmes que celles que nous avons en version tartiflette sur certains marchés en France, à grand renfort de poêles géantes. D'où le fait que plusieurs guides recommandent de manger directement sur le marché. Ce que je n'ai pas fait.

Salmon_soup_resized_copyright

Les souvenirs de la section touristique étaient assez amusants: des produits dérivés de renne (fourrure, peau, objets divers en forme de rennes, couteaux et cuillères en corne, vikings miniatures, décorations d'arbres de Noël, etc.). Beaucoup de choses pour se tenir chaud aussi, et puis quelques exemples d'artisanat local: de petites boîtes en bois de genévrier qui dégagent une merveilleuse odeur sylvestre.

Souvenirs_resized_copyright

Mais ce qui m'a le plus impressionnée, c'est un stand de cartes postales où, perdue dans les vues débiles d'un Helsinki ensoleillé de pacotille, j'ai découvert une carte illustrant le véritable intérêt du lieu: le port pris dans une mer de glace. Je ne peux pas vous décrire l'effet que cela m'a fait de voir ce lieu où je me tenais transformé en banquise. Bien sûr, l'on voit cela dans les documentaires à la télé, mais regarder le navire à gauche et comprendre en vrai que sa proue bizarre est un brise-glace, ce n'est pas pareil. Pourtant j'avais été à Ushuaïa, et là je voyais quotidiennement les navires revenir du Pôle Sud, distant de 1000 kilomètres, mais mis à part la bise glaciale, la banquise n'était bizarrement pas aussi présente en creux qu'à Helsinki.

J'ai toujours rêvé d'aller dans le Grand Nord, voir le rayon vert, les aurores boréales et le soleil de minuit. Je rêve de fjords norvégiens depuis que je suis toute gamine. Et là, tout à coup, cela semblait si tangible. Ce n'était pas un écart de lieu, mais un écart de temps qui me séparait de cette réalité-là: en novembre, Helsinki serait prise dans les glaces. Et l'hiver arrive avec une rapidité surprenante: le 21 juin et les jours qui l'entourent, le soleil ne se couche pas. L'on m'a raconté que pendant cette période-là, c'est un peu surréaliste, parce que les habitants d'Helsinki vont bronzer à la plage à quatre heures du matin. Un mois et demi après, quand j'y étais, le soleil se couchait déjà à 19h30!

J'avais un peu connu ça dans mon enfance et adolescence sur l'île de Mull dans les Hébrides écossaises: en juin, il fait grand jour à trois heures du matin et la nuit ne tombe jamais complètement, on voit toujours un halo bleu ciel à l'horizon. Je me souviens de cette magie-là.

A l'heure du déjeuner, j'ai mangé à l'Unicafe Ylioppilasaukio (descendre à la station de la gare centrale). C'est une chaîne de restaurants universitaires présents dans toute la ville, ouverts à tous à l'heure du déjeuner et pour un ou deux d'entre eux, également à l'heure du dîner. Cette halte a été très révélatrice sur le plan culturel local et je vous la recommande pour cette raison (outre le fait qu'un déjeuner complet m'a coûté moins de 6 euros et que c'était bon). L'ambiance est très bio: pain noir, plusieurs options de plats végétariens, salade obligatoire, l'inénarrable saumon-oignons-patates-aneth (version très épicée, ce restau U ne servait étonnamment que des plats très relevés). Je n'avais jamais vu des étudiants manger aussi bien et avoir des plateaux si équilibrés, un modèle du genre. Pas de carafe sur les tables: chaque étudiant a trois verres sur son plateau, 1 verre d'eau, 1 verre de lait, 1 verre de jus d'airelles. Là où ça calme, c'est que les étudiants, loin du joyeux brouhaha du restau U de Paris 10, mangent en solitaire, sans parler, chacun le nez sur son plateau. Si vous les interrompez, ils vous lancent le même regard que les Parisiens le matin dans le métro. La Finlande ne rentrera donc pas dans les annales pour l'aspect chaleureux de son peuple. En revanche, quelle beauté! Tous blonds, beaux, grands, minces, sublimes. C'est assez déroutant de voir que tout le monde est beau comme ça. Chez les jeunes, le moche n'existe pas.

C'est après que ça se gâte. Car, pour dépasser cette froideur nordique, on abuse apparemment de l'alcool pour réchauffer les cœurs. Le Viking est un trou normand à lui tout seul, paraît-il. Et le Viking traditionnel mange rustique et gras pour se tenir chaud. Le soir, j'ai mangé dans un restau de spécialités locales à côté de l'Unicafe. Toujours prête à élargir mes horizons culinaires, j'ai opté pour un plat de "renne braisé à la lapone: pommes de terre, airelles, cornichons". Et là, j'ai mieux compris la finalité de la nourriture archi saine du restau U. Je n'ai pu manger que la moitié de mon plat et j'ai eu des hauts-le-cœur pendant les deux jours qui ont suivi tellement ça nageait dans la graisse. Beurk. En plus c'était très amer à cause des baies. Drôle de goût aussi avec la présence des cornichons, en dépit d'une présentation plutôt attrayante. Bref, la prochaine fois, un restau de poisson ou l'Unicafe, et rien d'autre.

Renne_brais____la_lapone_resized_copyright

L'après-midi, sans grande conviction, j'ai pris le bateau pour aller à l'imprononçable Suomenlinna, une île située dans la baie d'Helsinki, qui doit se sentir bien seule cinq mois par an lorsque les glaces viennent ajouter à son isolement. Et là, bien m'en a pris, car c'était sublime. Si je n'étais pas convaincue initialement d'inclure Suomenlinna dans mon parcours, c'est parce que les photos que j'avais trouvées du lieu sur Internet n'étaient pas particulièrement alléchantes, en dépit des recommandations multiples - notamment de Sparlate - qui disait que c'était fabuleux. Moi, j'avais envie d'aller à Porvoo (prononcer Porrrrrrvou), un petit village à 50km, avec des canaux et des maisons rouges et qui est apparemment très pittoresque au coucher du soleil lorsque lesdites maisons rouges se mirent dans les canaux rosés par le couchant. Hélas, je craignais de ne pas avoir assez de temps de faire l'aller-retour dans la journée vu les horaires des cars qui desservent la ville, donc j'ai remis la découverte de Porvoo à un prochain voyage.

Tiens, j'ai omis de parler du temps: j'ai eu droit à une fort belle journée d'été tardif, environ 23°C, et si je le mentionne, c'est parce qu'apparemment, pour les chauffeurs de tramway, cette température-là, ce sont les tropiques, donc ils mettent la clim' à fond dans le tram, et re-belote, c'est comme à Dubaï, vous vous caillez avec 15°C. J'ai passé toute ma journée à enlever et remettre ma polaire.

Suomenlinna, c'est un village de garnison  du 18ème siècle, niché dans deux îles reliées par un pont, et qui protégeait Helsinki. Aujourd'hui, Suomenlinna est classée au Patrimoine Mondial de l'Unesco. Les longs bâtiments sont soit à l'abandon, recouverts d'herbe et de mousse et donc fort pittoresques, soit ils ont fait l'objet de belles restaurations et sont transformés en maisons d'habitation. La lumière était magnifique, d'abord un ciel menaçant qui a fait place à un soleil de plomb, la mer d'un bleu roi, et j'ai fait chauffer l'appareil photo pour immortaliser les façades se découpant contre cet horizon-là. Suomenlinna est un endroit enchanteur. J'ai fini la visite par un délicieux gâteau à la cannelle ("cinnamon bun") dégusté en compagnie de moineaux qui venaient picorer sur ma table, à la terrasse du Café Vanille, petit troquet adorable que je vous recommande.

Suomenlinna_resized_copyright

Le soir, de retour à l'aéroport, je n'ai pas résisté au plaisir d'adopter un petit renne en peluche. On ne se refait pas.

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