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blog different
30 décembre 2009

C'est l'effet magique d'Impulse

Voilà décidément longtemps que je ne vous ai pas régalés de confiture amoureuse... 

Vous souvenez-vous de ces petites annonces que l'on voyait il y a quelques années fleurir dans Libération sur le mode "Ton regard s'est posé sur moi dans le métro ligne 4. Tu avais une écharpe rouge et moi un manteau bleu. Je n'ai pas osé te parler. Je voudrais une seconde chance. Ecrire journal, référence 32145."?

Je me demandais toujours qui pouvait rédiger ce type d'annonces. Je trouvais ça un peu pathétique et désespéré. Un site spécial pour ces rencontres éphémères du métro a même été créé l'an passé, Paribulle. Eh bien ce soir, j'ai compris qui pouvait bien les écrire. 

RER A, Les Halles, je rentre d'un dîner avec une jolie robe et des bottes montantes. Lorsque je m'apprête à descendre à Nation, je vois deux hommes, dont l'un, fort aimable de sa personne, lance un sourire amusé dans ma direction. Je lui rends spontanément un timide sourire, avant de céder à la paranoïa et de me retourner pour vérifier qu'il n'y a pas quelqu'un d'autre derrière moi à qui ce sourire est destiné. J'entr'aperçois trois jeunes filles qui ne regardent pas particulièrement dans notre direction, mais j'en conclus que c'est à l'une d'elles que le sourire s'adresse. Car, en fait, c'est un drôle de sourire, un sourire où le charme se mêle à la connivence, comme deux amis qui se saluent avant que l'un ne descende tandis que l'autre continue sa route, ce qui explique ma réaction dubitative. L'a-t-il perçue? Pour tout dire, il m'a regardée comme s'il m'avait reconnue. Pourtant, rien dans son visage ne m'est familier.

Les deux hommes descendent devant moi, empruntent l'escalator (il se retourne pour me sourire à nouveau et je comprends quelque peu incrédule que, cette fois, je suis bel et bien la destinatrice de ses amabilités), et se dirigent vers le couloir de la correspondance. Là, une chose étrange se produit: je les vois s'orienter vers les portillons de la sortie, tandis que je passe ceux en direction de la ligne 9. Je crois à un moment voir le beau jeune homme derrière moi, mais quand j'arrive sur le quai, il n'en est rien, personne sur mes talons ou dans l'escalier.

Je commence à faire les cent pas sur le quai en attendant la rame, à ma bonne habitude quand, soudain, il apparaît devant moi, à trois mètres, délesté de son ami. Il est tard, nous approchons de la fermeture et les rames se font rares. En patientant, nous échangeons des regards furtifs, l'air de ne pas y toucher, faisant semblant de regarder ailleurs, puis croisant nos regards à nouveau. Il est brun, pas très grand, mince, avec un jean bleu pétrole et un blouson noir. Il a les traits fins, un nez très aquilin. J'essaie de déceler dans son apparence vestimentaire le signe qu'il est parisien. Il me semble que oui.

La rame arrive et, forte de mon grand principe selon lequel il ne faut rien regretter parce que l'on ne vit qu'une fois, je me dis en mon for intérieur sur le ton du défi, "où qu'il monte, je le suis." Les portes s'ouvrent et les trois mètres qui nous séparent font qu'il se trouve en fin de rame et moi au début de la suivante. Que va-t-il faire? Suspense.

Tout cela se joue en quelques micro-secondes mais je suis tout à coup submergée par un pressentiment: c'est lui qui va me suivre où que je monte. Je m'engage dans la rame et cherche un siège qui lui permette de s'asseoir à côté de moi. Deux strapontins sont libres. Je m'assieds sur le premier. Je le vois esquisser un pas. Trop tard. Misère. Une mamma black s'est assise à côté de moi. Il prend le strapontin me faisant face. Nous continuons notre petit jeu de "je te regarde, je ne te regarde pas". Je me décide et lui décoche un sourire franc.

Nous arrivons à Buzenval, la station suivante. Re-misère, je le vois hésiter, puis se lever, marcher vers la porte, descendre, se retourner et me sourire à nouveau, timidement cette fois. Et je sais que son sourire, sans que le moindre mot ne sorte de sa bouche, dit: "Suis-moi".

J'hésite. Ce n'est pas mon arrêt. Je pourrais marcher mais je suis fatiguée. Et puis, pourquoi ne tente-t-il pas l'aventure d'une station supplémentaire...? Mais pour autant qu'il sache, je pourrais aussi bien descendre à Mairie de Montreuil et ce ne serait pas un arrêt de plus mais cinq, avec un retour compromis par le dernier métro. 

Et dire que si je m'étais levée en réponse à son appel muet, cela aurait peut-être fini comme ces histoires qu'on lit dans Cosmopolitan ou Elle en attendant son tour chez le coiffeur, où deux parfaits inconnus s'embrassent passionnément après avoir seulement échangé quelques regards...

Je pressens que s'il avait pu s'asseoir à mes côtés sur le strapontin, il m'aurait parlé. Je sais que si j'étais descendue à sa suite, il aurait rassemblé le courage qui lui avait jusque-là manqué pour m'aborder... 

Je suis submergée d'interrogations. M'a-t-il suivie intentionnellement sur la ligne 9 et est-ce pour cela qu'il n'a voyagé qu'une station en ma compagnie? Me cherchera-t-il? Le reverrai-je un jour? Me reconnaîtra-t-il? Cette histoire aura-t-elle une suite?

Ce soir j'ai compris les petites annonces de Libé.

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Commentaires
R
On reste suspendu à chaque ligne, dans l'attente de ce qui doit arriver et qui n'arrive pas...<br /> Un excellent texte.<br /> Bravo
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B
Alors je te suggère, pour 2010, de faire résolution d'optimisme! <br /> <br /> Tu me fais venir à l'esprit un reste de proverbe chinois, que je cite de manière très approximative (n'hésitez pas à me corriger): regarder le passé avec douleur, c'est faire inutilement une seconde fois un trajet qu'on avait déjà trouvé difficile la première. <br /> <br /> Si ça peut te consoler, je me souviens d'un charmant imbécile qui m'a dit un jour en guise de rupture: "c'est comme dans la chanson de Cabrel, parfois tout donner n'est pas forcément suffire."
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C
Ah, désolée, je suis un peu écoeurée de tout depuis ma mésaventure de l'an dernier. Tous les signes allaient dans le même sens, mais non, il y avait "malentendu" et "attirance toute amicale"... <-[ Alors je suis de très mauvais conseil, tu t'en doutes.
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B
merci pour les encouragements? ;o)))<br /> <br /> Bah, j'avais rencontré mon grand amour dans le métro, à la station Concorde, pour le joli symbole, alors tout est possible, le bon comme le mauvais. Je n'ai pas d'a priori sur les lieux, tous les prétextes sont bons!
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C
Une de mes amies s'est mariée, comme ça. Maintenant, elle a un ulcère et un dossier de divorce sur les bras. Qui sait ?...
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