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blog different
19 février 2008

When you're strange, no one remembers your name

"People are strange, when you're a stranger
Faces look ugly when you're alone
Women seem wicked, when you're unwanted
Streets are uneven, when you're down"

(Densmore-Krieger-Manzarek-Morrison)

Un grand verre de bon vin rouge à côté de moi sur la table pour faire passer ce début de soirée indigeste. Pourquoi les gens pour qui vous comptiez et qui comptaient pour vous mettent-ils un tel acharnement à vous rayer de leur vie? Cela me demeure incompréhensible.

Il y a eu Vi, photojournaliste sur les mêmes bancs d'école que moi en 2003. Je n'ai jamais cessé de rester en contact, un mail groupé par-ci, un petit mot sur son répondeur par-là. Elle n'était que rarement disponible, répondait épisodiquement. Finalement, nous nous sommes donné rendez-vous dans un café cet été, place du Châtelet. Elle m'a prise de haut sur le thème de "Toi, petit scarabée, tu appartiens au passé, tout cela c'est une vie antérieure pour moi, maintenant je suis quelqu'un d'autre, un grand Jedi, et je pense que c'est la dernière fois que l'on se voit, bonne chance à toi, petit scarabée."

Il y a eu C., ma meilleure copine en Terminale, la complice de mes fou-rires en cours d'espagnol, j'étais allée en vacances chez elle à Trouville à deux reprises. Elle était la seule avec qui j'avais gardé contact à l'issue de la Terminale. On s'est revues régulièrement jusqu'en 1997 approximativement. Elle travaillait juste à côté de chez moi, on déjeunait ensemble. Et puis un jour, pfouitt, envolée. J'ai appelé tous ses numéros, ceux de ses parents, abonnée absente, j'ai perdu sa trace. Je l'ai retrouvée ainsi qu'une bonne partie de ma classe de Terminale sur Facebook il y a quelques semaines. J'étais folle de joie de la retrouver, mariée, habitant dans le Sud, avec trois magnifiques petites blondinettes de filles qui lui ressemblent en miniature, j'avais hâte qu'elle me parle de sa vie. Je lui ai demandé son nouveau numéro de téléphone pour que l'on discute de manière plus conviviale qu'au travers de Facebook. Sa réponse m'a cloué le bec: "Avec mes trois enfants et mon boulot, j'ai pas le temps de téléphoner. Ecris-moi." Qu'elle soit débordée, ok, mais de là à refuser de me donner son tél...

Il y a eu Emie, ma copine sur les bancs de Fac à Nanterre. On habitait à 100 mètres l'une de l'autre, on passait notre temps fourrées l'une chez l'autre. Elle n'allait pas bien à l'époque: maniaco-dépressive, parfois elle m'appelait au milieu de la nuit. Je prenais soin d'elle, je lui faisais souvent à manger, j'étais toujours là quand elle avait besoin de moi. Au point que ça devenait tyrannique parfois. Je crois que l'une des dernières fois où nous nous sommes vues, c'était lors de la finale de notre mythique Coupe du Monde un-deux-trois-zéro. Elle se soignait, était partie en vacances à Brighton, avait rencontré tout un nouveau groupe d'amis for-mi-da-bles, et je me suis retrouvée sur la touche. On s'est revues lors du vernissage d'une de mes expos en 2004. Je l'avais invitée, elle est venue. Elle a dit qu'il fallait qu'on reste en contact et on s'est revues deux fois par la suite, dans deux soirées, son anniv puis le mien, deux soirées déguisées archi réussies. Puis plus rien. Je laissais des messages, sans réponse. Jusqu'à il y a un mois. Je me suis dit que c'était ridicule, et je l'ai appelée jusqu'à ce que je tombe sur elle. Elle s'est montrée abrupte, glaciale. "Ca fait si longtemps" (c'est sûr que si tu avais rappelé quand je laissais des messages, cela n'aurait pas fait aussi longtemps. Non mais je rêve). Je finis par l'adoucir et on décide de se prendre un verre. C'était lundi dernier. Elle me contacte dans l'après-midi du lundi: un empêchement. On décale à ce lundi soir. Elle m'appelle à 19h30 (on avait rdv à 20h) et elle annule, sur un ton relativement odieux, et me dit qu'elle ne sera vraiment pas disponible pour décaler le rdv. Au nom de notre amitié passée et du respect que je lui voue, je ne l'ai pas traitée de conne mal baisée, non, j'ai gardé mon calme et me suis contentée d'un laconique: "ok, eh bien, si tu es disponible à l'avenir, tu sais où me joindre."

Combien d'autres exemples de ce type de comportement pourrais-je encore citer?!

C'est là que je me dis, au milieu de mes complexités apparentes, je suis une fille simple. Je ne retourne pas ma veste au gré du vent. Les gens que j'aime, je ne cesse pas de les apprécier parce que l'eau a coulé sous les ponts. Mes amis d'hier, j'aurai toujours plaisir à les voir aujourd'hui et même dans un lointain demain. Ne serait-ce que par curiosité de savoir ce qu'ils sont devenus, ce qu'ils ont à raconter, quels genre de citoyens du monde ils sont devenus. Qu'importe, au fond, si nos routes se sont séparées, si on n'a plus grand' chose à se dire, c'est la vie qui veut cela parfois, mais quel mal y a-t-il à partager quelques joyeuses réminiscences autour d'une tasse de café? Ne seriez-vous pas fier(e) ou ému(e) qu'un(e) ami(e) du passé fasse des pieds et des mains pour vous retrouver? En vérité, j'offrirais un café même à la plus superficielle ou plus peste fille de la classe, à la plus bête, à celle avec laquelle je ne m'entendais pas. Les gens changent. Parfois, les anciens ennemis deviennent pittoresques et sympas avec le temps. Parfois, on a plaisir à voir que le rapport de force a changé. Et même s'il n'a pas changé, qu'importe. On est au-dessus de ça, non? J'ai de bons souvenirs de mes années d'école, de fac, de pensionnat. Ca n'était pas facile tous les jours, je n'étais pas toujours populaire (j'ai compris le truc à partir de la Prépa: s'asseoir au fond de la classe, faire semblant de glander, discuter avec les voisins, jouer celles qui n'y comprennent goutte. Ah, quelle popularité alors!), mais je ne les échangerais pour rien au monde.

N'y a-t-il que moi et ce joyeux ringard de Bruel pour comprendre la joie d'un rendez-vous dans dix ans? Pourtant une tripotée de midinettes a chanté ce tube-là, mes copines comprises, alors, quoi, c'étaient des "Parole parole parole" que j'étais seule à entendre?

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Commentaires
B
Merci. J'ai bien lu ton commentaire, d'ailleurs je lis tous les commentaires.<br /> <br /> J'ai eu une très bonne amie mannequin. A rajouter sur la liste ci-dessus des gens qui, du jour au lendemain, se sont mis à me snober sans raison apparente ni fâcherie. Passer une journée avec elle, c'était stupéfiant. Tout le monde lui faisait des courbettes, elle ne payait jamais dans les cafés autour de son travail et en plus, les patrons lui faisaient la bise. C'est sûr qu'avec son mètre quatre-vingt, ses yeux verts, sa bouche framboise et sa taille 36, elle ne passait pas inaperçue. A l'école, les chasseurs de têtes des agences de mannequin la harcelaient dans la rue, on lui proposait sans cesse de poser nue, etc. Donc oui, ça ne devait pas être marrant tous les jours et cela faussait largement ses rapports avec les gens. Mais en même temps, se faire traiter comme une star quand on n'en est pas une, c'est quand même un peu faire la fine bouche que de se plaindre. Tout le monde voulait être son ami, tous les mecs à l'école bavaient devant elle et la couvraient de cadeaux... Ça me fait penser à cette copine journaliste pigiste pour des magazines féminins et qui reçoit tous les jours des produits de beauté gratuits à tester dans sa boîte à lettres, et qui dit qu'elle en a ras le bol... Moi j'en aurais offert à la terre entière sans me plaindre.<br /> <br /> Sinon, en relisant le post ci-dessus, je me souviens de l'anecdote avec Vi et je ne parviens pas, avec le recul, à décider si c'était de l'égoïsme, une incroyable arrogance ou juste un élan de sincérité?<br /> <br /> Quant aux autres, je pense que leur façon de snober leur passé ne fait que révéler à quel point elles se sentent spectaculairement mal dans leurs baskets vis-à-vis de cette époque de leur vie. Qu'est-ce que ça peut bien faire d'avoir porté des collants blancs en dentelle à motifs fleuris dans les années 80, d'avoir eu un petit ami qu'on oserait plus avouer, d'avoir collé des posters de Christophe Lambert à l'époque de "Greystoke" sur les murs de sa chambre? Comment ne pas rire de tout cela aujourd'hui, comment ne pas se dire que cela faisait partie de notre bildungsroman personnel? L'attitude de ces personnes me demeurera décidément toujours obscure. Enfin, tout le monde n'a pas le luxe d'avoir un cœur et une nature curieuse. ;o)))
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J
je suis tombée par hasard sur cet article, et je remercie le hasard. Vous écrivez les choses avec beeaucoup de sincérité et de sensibilité.<br /> j'aurais aimé vous connaître, être une de vos copines. Et moi je ne vous aurais pas lâchée.<br /> je n'ai connu que rarement de semblables évolutions dans mes relations mais je suis bien consciente que je le dois à mon physique; mais il arrive que des copines s'éloignent de moi parce qu'elles sont jalouses ou parce qu'à côté de moi elles sont invisibles; les mecs ont aussi des réactions bizarres: ils ont sans doute peur d'être à la hauteur ou bien ma trop grande beauté leur fait peur.<br /> Décidémént rien n'est facile: être belle semble poser autant de problème que d'être moche...<br /> Je vois que ton article date de 2008 et je ne sais pas si tu liras mon commentaire, mais cela ne fait rien: je t'embrasse, ma soeur.
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L
Il est troublant de se retrouver dans les mots d'une autre. Et les tiens pourraient être les miens. Et je m'aperçois que c'est le cas pour de nombreuses personnes. Ce qui me conduit à tirer une bien triste réalité de ces faits : nous sommes vraiment dans une société d'égoïstes où rien ne dure pas même l'amitié qui nous semblait pourtant inébranlable. Société dans laquelle nous utilisons puis nous jetons. <br /> Je me suis posée beaucoup de questions, quoi de plus normal lorsque l'on passe du rang d'essentiel à celui d'oublié. Et j'en suis arrivée à cette conclusion : je n'ai pas changé alors que tout autour de moi a changé. Oui, bien sûr j'ai grandi, j'ai muri et j'ai moi aussi de nouvelles responsabilités mais au fond je suis restée celle que j'étais au lycée, à la fac. Je ne me suis pas reniée pour rentrer dans le moule.<br /> Et je pense que c'est principalement parce que ces gens qui étaient mes amis hier n'ont pas assumé leur changement qu'ils préfèrent réduire à néant tous les possibles témoins de ce changement.
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S
J'ai vécu les mêmes histoires et les mêmes déceptions. J'ai souvent l'impression de m'attacher davantage aux autres que les autres à moi (et pourtant, je ne donne pas mon affection à n'importe qui). Le changement de vie est sans doute l'épreuve la plus difficile à franchir, j'en ai fait l'amère expérience après le bac, puis après la fac, etc. Et le fait est que j'ai beaucoup de mal à chérir mes souvenirs quand je sais que ceux avec qui je les ai partagé n'y accordent visiblement pas la même importance que moi ! Non seulement ça fait mal, mais en plus je me sens blessée dans mon orgueil. Il y a heureusement ceux qui restent, ceux qui ont déjà connu l'épreuve de la distance et le temps, et qui malgré ça n'ont pas coupé les liens. Pour moi, Facebook et Copains d'avant auront généré de merveilleuses retrouvailles, mais également quelques frustrations, quelques moments de tristesse et d'amertume, mais également de magnifiques et sincères retrouvailles. Mais c'est toujours déplaisant quand une amie chère décide non pas de tourner la page, mais carrément de fermer le livre.
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M
toutes mes excuses, j'écris plus vite que je ne réfléchis: "s'en est rendu compte..."et "ses chansons..." biensûr!!!
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