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blog different
28 août 2006

Superman Returns - new and improved

Il est de retour, et son justaucorps moulecouilles n'a jamais été aussi seillant.

superman_returns_202

Ce film est un monument du kitsch. Pris au premier degré, il a l'épaisseur scénaristique d'une feuille de papier à cigarette. Au second degré, voire au troisième, vous rirez et passerez un fort bon moment. Non amateurs avertis de films de série B s'abstenir. Car si on est dans la série A par le budget, on est dans le B pour tout le reste.

Avant toute chose, je salue les directeurs de casting qui ont réussi à trouver un acteur qui ressemblait autant à Christopher Reeve. Brandon Routh a 26 ans, l'âge de Christopher Reeve en 1978 pour le premier Superman et est, comme lui à cette époque, un acteur relativement inconnu (Routh a joué quelques rôles dans des séries télévisées). Il s'agirait là de la part du réalisateur Bryan Singer d'un choix délibéré pour refléter la mémoire collective que nous avons tous de Superman.

Bon, par où je commence? Hum... les fringues, bien sûr! D'abord, les puristes s'insurgeront du fait que la mythique cape rouge vif a viré au marron (ou plus exactement au "maroon", couleur hybrique anglo-saxonne, entre le bordeaux et le marron, fort appréciée lors des cérémonies de graduation pour le choix des toges). Son flotté est étonnant, à la fois lesté et aérien, le caoutchouc semblant avoir remplacé le tissu. Quant au justaucorps bleu, alors là, il m'a laissée pantoise. Une matière futuriste, synthétique et alvéolée, avec un "S" en plastique en gros relief d'au moins deux centimètres d'épaisseur. En gros, le genre de tissu qui ferait le bonheur des créateurs expérimentaux dernier cri aux défilés du Carrousel du Louvre. D'ailleurs, je mettrais ma main à couper que la facture dudit costume a été plutôt salée. Le truc ne fait pas un faux pli. Au point que, méchante langue que je suis, je me suis penchée vers l'oreille de ma voisine et lui ai glissé un "je te parie qu'il est rembourré, c'est pas ses vrais muscles." Que nenni! C'est rien que du vrai biceps et du véridique triceps et de l'authentique deltoïde. Mazette, quel étalon. Et le tissu venu de Krypton vous épouse tout ça comme un gant. Mesdames, fermez la bouche, vous bavez. Et pour finir, on dirait qu'il est cousu directement sur lui (ce qui n'est pas exclu) car je vous défie de voir la moindre marque de couture. Même qu'à l'hôpital, ils lui découpent tout ça aux ciseaux, et que c'est comme ça qu'on a la preuve indiscutable de sa musculeuse anatomie.

Le seul point faible réside dans les chaussures compensées très hideuses qui complètent la tenue, pseudo lestées de plomb (on l'imagine) pour mieux défier les lois de la gravité et atterir comme il faut. Moche moche moche, mais bon, personne n'est parfait, même pas Superman, apparemment.

Vous vous souveniez que, lorsque Superman traverse l'atmosphère, il s'enflamme comme une vulgaire capsule spatiale? Moi pas.

Pour ce qui est de la continuité temporelle, c'est un peu le fouillis. Maman Martha a l'air d'avoir cent ans. Papa Jonathan est mort. Superman a l'air d'avoir rajeuni (par rapport à l'âge de Christopher Reeve dans le dernier opus, ce qui n'est pas sans évoquer l'idée d'un personnage immuable mais multi-incarnable à la mode James Bond). Tout le monde est habillé, chaussé et accessoirisé comme dans les années 50, les voitures semblent sorties des années 30-50, Lex Luthor se trimballe dans un clinquant yacht Art Déco, mais quand Superman sauve la minette en détresse, tout le monde dégaine illico son téléphone portable troisième génération pour prendre des photos. Tout ça n'est pas très clair, c'est le moins que l'on puisse dire.

Soit dit à la décharge dudit personnage, entre les comics, les adaptations filmiques et les adaptations télé Loïs & Clark et Smallville avec leur lot de nouvelles possibilités et dérives de l'intrigue initiale, les scénaristes avaient fort à faire pour imaginer la chronologie idoine. Il semble que les auteurs aient fait leur shopping dans les adaptations diverses pour retenir ce qui leur plaisait et produire ce melting-pot d'adaptation-sequel. Ceci dit, je n'ai jamais autant apprécié le bien-pensant Clark de Smallville qu'en regardant ce Superman Returns.

Disons-le tout de suite, les fans seront déçus. Finis les temps bénis ou Clark Kent se changeait dans les portes tournantes du Daily Planet ou dans une cabine téléphonique. Désormais, ce Superman revu et corrigé se change en plein vol dans la cage de l'ascenseur, avant de crever un trou dans le plafond de l'immeuble. Je vous dis pas l'état du building à la longue. Une autre fois, il traverse horizontalement les murs des bureaux de la rédaction en mode mirage supersonique. C'est un timide avec les femmes, mais un bulldozer avec les murs.

En revanche, les fans seront ravis de constater que Loïs et tous les journalistes du Daily Planet sont aussi abrutis que d'habitude et ne reconnaissent toujours pas Clark Kent quand il ne porte pas ses lunettes et sa raie sur le côté (d'où les habituelles moultes allusions vaseuses). Plus que jamais, le justaucorps fait l'homme.

En méchant Lex Luthor, Kevin Spacey tire à peu près son épingle du jeu. La calvitie lui sied à la perfection. En revanche, sa greluche est scénaristiquement insupportable de bêtise, plutôt un "faire-dévaloir". Lex Luthor ne parvient jamais à dégager autre chose que du ridicule. Il n'inquiète pas, sa cruauté est dépourvue de nuance. En cela, Lex et Lionel Luthor de la série Smallville lui sont infiniment supérieurs. Je n'ai pas lu les comics, mais je présume que le Lex Luthor de cette adaptation leur doit son mental caricatural de méchant pas dégrossi et dont l'antagonisme primaire est propre à faire ressortir les qualités de Superman.

Pour ce qui est du film proprement dit, je l'ai trouvé diablement intéressant d'un point de vue analytique; en effet, la confusion temporelle avec les années 30-50 n'est certainement pas seulement un cafouillage scénaristique. L'identité visuelle de cette adaptation renvoie clairement, sur le ton de l'hommage, à la genèse de Superman. Mais j'y lis aussi un vrai clin d'oeil aux valeurs bien-pensantes de la famille américaine des années 50, clin d'oeil très significatif dans l'Amérique régressive, paumée et archi patriotique de Bush. Je ne vois pas de meilleur moment qu'aujourd'hui pour ressusciter ce mythe national réconfortant et cathartique que constitue Superman, personnage métonymique par excellence de l'Amérique gendarme du monde. Le personnage de Superman en lui-même, né en 1938, apparaît en plein New Deal rooseveltien, tandis que l'Amérique se relève de la Dépression, avant qu'elle n'entre en guerre. Superman fait écho au besoin des Américains d'être sauvés du marasme et du gangstérisme régnant qu'ils connaissent alors. Avec le chômage et la pauvreté, la famille traverse une période de crise, mais elle se relève avec le Baby Boom de l'après-guerre et l'avènement de la société de consommation. Le rôle de la femme se redéfinit progressivement. Les années 50 sont troublées par le début de l'émancipation de la femme, qui a travaillé pendant la période de guerre et à qui on veut faire croire que des biens de consommation comme un réfrigérateur et un aspirateur peuvent désormais constituer des substituts acceptables à son indépendance. Le mari, lui, cherche ses marques. Les jalons sont posés pour la révolution sexuelle et sociale des années 60-70. Mais les Américains glorifient cette période de bien-être économique comme un âge d'or. Culturellement et dans l'inconscient populaire, les années 50 sont la référence absolue de la famille unie, bien-pensante, éthique, patriotique et qui consomme américain pour son plus grand épanouissement.

Dans Superman, Loïs est une femme de caractère active et indépendante, une femme moderne, mais elle se laisse séduire par Superman comme une midinette d'une autre époque. Superman sauve toujours en majorité des femmes. Il est le mâle alpha héroïque qui fait défaut dans leur vie pour les protéger. D'ailleurs, dans cet opus, les scénaristes vont plus loin, puisqu'il est également le mâle alpha géniteur de l'enfant de Loïs, tandis que le mari fait gentiement tapisserie dans son ignorance de la chose. Nous avons donc un Superman au premier degré. Mais également un Superman post-moderne, à l'image écornée, qui a abandonné Loïs en cloque -comme n'importe quel mâle moyen- pour retourner sur Krypton, et qui subit sa froideur courroucée lorsqu'il revient.

Et le post-moderne ne s'arrête pas là. Si ce Superman est un monument de kitsch, c'est en raison du traitement physique du héros à l'image, à la fois viril et efféminé, composante totalement absente des autres adaptations filmées (notons au passage que, sous les traits de Clark Kent, cette composante est beaucoup moins flagrante, renvoyant donc à un Superman hétérosexuellement dévalorisé par rapport à son double "humain" - phénomène de décadence pour le moins curieux). Il a la candeur niaise dans le regard qu'avaient les jeunes homosexuels que peignait Raphaël, une texture de peau si lisse que l'on se demande si elle est retouchée pour donner cet effet, et une mèche de cheveux en accroche-coeur sur le front, raide de laque, dont la tenue résiste à toutes les traversées d'atmosphère. Au point que, lors de la scène de l'hôpital, le gros plan sur le front cerné de ladite mèche casse radicalement l'impact tragique de la scène. La mèche n'est d'ailleurs pas sans évoquer celle avec laquelle les poupons étaient représentés à une autre époque. Mais surtout, on dirait ce Superman tout droit sorti d'un tableau de Pierre & Gilles. Tout ceci provoque un effet de distanciation dont je ne suis pas certaine au final qu'il ait été voulu, une sorte de mise en abîme: on se regarde en train de regarder un acteur devenir une icône gay.

20060514_superman  Pierre_et_Gilles

A gauche: Brandon Routh; à droite: tableau de Pierre & Gilles. Admirez la lisseur des traits.

superman_returns  pg23

Ci-dessus, idem. Cette fois-ci, comparez et contrastez la mèche et le défi sexuel dans le regard. Désolée, si j'en choque certains, mais je trouve la comparaison pertinente. Blogdifferent ne mâche pas ses photos! Et puis c'est de l'art...

Au final, sur le message qu'il délivre, le film reste indécis entre un hommage-sequel où ce Superman est d'un sérieux imperturbable qui prend son rôle très au premier degré et le second degré vers lequel les éléments de kitsch le font inévitablement basculer. C'est, subjectivement, sa plus grande force ou sa plus grande faiblesse. A mon sens, ce refus de trancher en faveur d'un ton plutôt que l'autre, ce fouillis de mélange des genres constituent une faiblesse stylistique et scénaristique. Reste un objet qui, à cent mille fois plus de titres que le minable Les Bronzés III (auquel je donnerais sans hésiter 0/5 pour gâchis de pellicule), serait parfaitement apte à et digne d'entrer au panthéon des films cultes.

Pour la petite histoire: les tôles de casting... En 1997, il est question de réadapter Superman (l'idée traîne d'ailleurs dans les couloirs d'Hollywood pendant une bonne dizaine d'années). Nicolas Cage est pressenti pour le rôle. Finalement, le projet est abandonné. Alors, en 2005, Cage nomme son nouveau-né Kal-El, en mémoire de Superman [On imagine les débuts difficiles de l'enfant dans les cours de récré...]. En 2000, lors du casting de la série télé Smallville, c'est Brandon Routh lui-même qui postule et se fait éconduire au profit de Tom Welling, mannequin incidemment très apprécié pour illustrer les couvertures de magazines gay (notre Têtu national, par exemple). Il faut croire que la ressemblance avec Christopher Reeve n'avait pas échappé à Routh pour faire montre de cette persistance à vouloir jouer ce rôle!

Pour finir, la minute cinéphile: en 1978, dans l'adaptation de Richard Donner, Marlon Brando incarnait Jor-El, le père kryptonien de Superman. En 2006, le réalisateur Bryan Singer lui redonne vie par le biais d'images d'archives pour lui permettre de reprendre, à titre posthume, le rôle de Jor-El. Et c'est Eva Marie Saint, l'actrice de Sur les Quais (On the Waterfront) de Kazan, qui incarne Martha Kent, et retrouve posthumement au générique son partenaire de jadis.

Ma note: 2,5/5 (pour la valeur kitsch et culte, cf. ci-dessous)

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Commentaires
B
Comme c'est aimable à toi de t'en inquiéter Nada!<br /> <br /> L'Etrange Festival... J'aimerais dire que j'y suis allée, tant mes amis Yannou et Las Trega m'en ont rebattu les oreilles... Hélas, chaque année, ce festival tombe au même moment qu'un autre, dont je suis une fidèle indélogeable, Visa pour l'Image à Perpignan, la manifestation internationale du Photojournalisme... (www.visapourlimage.com)<br /> <br /> Mais peut-être un jour leurs programmations ne se chevaucheront-elles pas et aurai-je alors le plaisir sans partage de pouvoir assister aux deux...<br /> <br /> Et toi, tes impressions sur l'Etrange Festival? Des recommandations?
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N
Que ce silence est long...<br /> Autant je ne suis pas trop charmé par les blockbusters comme superman, autant la sélection de l'Etrange festival cette année s'est apparentée à une douce sucrerie. Peut-être t'y es-tu déplacée?<br /> A bientôt j'espère!<br /> N.
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S
Je n'avais pas aimé le film que j'ai trouvé presque aussi ridicule que Hulk c'est dire(mais là au moins il y avait Jennifer Connely).<br /> Mais en voyant les choses sous ton angle,je décèle en moi comme un vague regain d'intéret.<br /> Faut dire que j'ai rarement été convaincu par les films de super-héros à l'exeption des Spidermen, du deuxième Batman et de Xmen2 à la rigueur (pas vu le 3).<br /> <br /> PS. Tu vois c'est la rentrée : je recommente (quant à savoir si c'est pertinent...)
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B
Le scan intégral du tout premier Superman (Action Comics, No. 1, June 1938):<br /> <br /> http://xroads.virginia.edu/~UG02/yeung/actioncomics/cover.html
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B
"Le célèbre combinaison bleue que porte Brandon Routh dans le film est une oeuvre de haute technologie. Renforcée à certains endroits par des prothèses musculaires le costume avait pour but d'affirmer l'impression de puissance du super-héros. Le fameux logo en relief qui orne la poitrine de Superman a été fabriqué en latex moulé, puis découpé au laser en plusieurs milliers de minuscules insignes en forme de "S". La cape est doublée d'une laine spéciale, tissée en France, et "ombrée" pour renforcer l'éclat du rouge. Enfin, l'extérieur est caoutchouté pour lui donner du poids et une certaine texture. Brandon Routh devait passer plus de 20 minutes à enfiler ce costume."
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